- 1 -

ELECTRICITE DE FRANCE

Direction de la Production Transport                                                                      le 01.09.86
Service de la Production Thermique

 

REUNION D'EXPERTS DE L'A.I.E.A.

SUR L'ACCIDENT DE TCHERNOBYL

 

 

I. ORGANISATION GENERALE DE LA REUNION

Cette réunion s'est tenue du 25 au 29 août 1986 au siège de l'A.I.E.A. à VIENNE.

Etaient présents 450 experts d'une cinquantaine de pays et d'une vingtaine d'organisations nationales et internationales.

La délégation française (20 participants environ) comprenait en particulier :

MM. BAEYENS - Ambassadeur, représentant permanent.
         ERRERA - Gouverneur A.I.E.A. pour la France.
         VALLADE - Sénateur, chargé d'établir un rapport sur TCHERNOBYL
         le Professeur PELLERIN.
         LAVERIE - Directeur du SCSIN.
         COGNE (le dernier jour) - Directeur de l'IPSN.

EDF était représenté par MM. SHEKTMANN (SEPTEN) et MIRA. Participaient également :

M. TANGUY - comme membre de l'INSAG (INTERNATIONAL NUCLEAR SAFETY
                         ADVISORY GROUP) et

MM. BACHER et SAITCEVSKY au titre de l'UNIPEDE.

La délégation soviétique, avec le professeur LEGASOF à sa tête, comprenait une trentaine de membres dont dix environ faisaient partie de l'équipe d'experts désignée par le Comité d'Etat de l'URSS pour analyser les causes de l'accident de TCHERNOBYL.

Après une première journée de réunion plénière, les participants se sont répartis en 4 groupes de travail qui se sont réunis les mardi 26, mercredi 27 et jeudi 28

Groupe 1 :   Causes de l'accident (conception - organisation formation ...) - déroulement de l'accident
                    jusqu'à la destruction du coeur.

Président : M. EDMONDSON, CEGB et INSAG
                 Director - Nuclear Operations Suppert Group

- 2 -

Groupe  2 :  Déroulement de l'accident à partir de la destruction du coeur. Mesures
                    post-accidentelles.

Président : M. TANGUY, EDF et INSAG Inspecteur Général pour la sûreté et la sécurité nucléaires.

Groupe  3 :   Mesures d'urgence et décontamination.

Président : M. RABOLT, RDA, INSAG Vice-président, National Board for Atomic Safety and Radiation Protection.

Groupe  4 :   Conséquences radiologiques de l'accident.

Professeur BENINSON, Argentine (National Atomic Energy commission, Président de la Commission Internationale de Protection Radiologique).

La matinée du dernier jour a été consacrée aux synthèses et recommandations.

Les réunions techniques n'étaient pas ouvertes à la presse, mais chaque soir avait lieu une conférence de presse avec les présidents de groupe et la délégation soviétique.

II.  REUNION PLENIERE D'OUVERTURE (le 25 août 1986)

   2.1. Discours d'introduction de M. Hans BLIX, Directeur Général de l'A.I.E.A.

M. BLIX rappelle que cette réunion a été organisée, à la demande du conseil des gouverneurs de l'A.I.E.A., pour recueillir les informations que les soviétiques se sont engagés à fournir.

Bien que la technique RBMK soit spécifique, l'accident de TCHERNOBYL peut fournir des enseignements, notamment dans le domaine des facteurs humains.

Il considère que l'énergie nucléaire, qui fournit 15 % de l'électricité dans le monde a passé le point de non retour.

Mais la confiance du public a été ébranlée et les spécialistes doivent comprendre ce qui s'est passé pour expliquer : il faut faire preuve d'ouverture et de franchise.

Il indique qu'un rapport, préparé par les experts de l'INSAG, sera présenté au Conseil des Gouverneurs de l'AIEA le 24 septembre puis rendu public accompagné des décisions prises par l'AIEA.

- 3 - 

   2.2. Discours de M. Rudolf ROMETSCH, Chef de l'Organisme Suisse s'occupant des déchets
          radioactifs. Président de la réunion.

M. ROMETSCH affirme la nécessité de l'énergie nucléaire dans un monde où 75 % de la population manque de ressources naturelles.

 –  Il considère qu'il n'y a pas de civilisation et de vie qui soient totalement exemptes de tout risque d'accident.

–  Fixe trois objectifs principaux aux débats techniques qui vont s'ouvrir :

  . amélioration du niveau de sûreté des installations,

  . échanges d'expériences,

  . amélioration de la coopération internationale dans le domaine de la sûreté nucléaire.

   2.3. Intervention du Professeur Valery A. LEGASOV, Directeur Adjoint de l'Institut de l'Energie Atomique KURCHATOV, Membre de l'Académie des Sciences, Chef de la délégation soviétique.

   2.3.1. Discours d'ouverture

L'URSS accorde une grande priorité au développement de l'énergie nucléaire sans lequel il ne sera pas possible d'assurer le développement du pays.

Le recours au nucléaire constitue de plus un refus de consommer de façon considérable les matières organiques et de détruire l'environnement et notamment les forêts et les eaux.

Cependant TCHERNOBYL "est une tragédie pour nos concitoyens qui ont subi des pertes physiques et morales considérables".

Les soviétiques souhaitent connaître les avis, y compris les critiques, des experts occidentaux ainsi que les enseignements tirés des grands accidents rencontrés dans les centrales nucléaires afin d'aboutir à des recommandations communes.

Les spécialistes soviétiques sont convaincus que l'accident de TCHERNOBYL, malgré sa gravité, ne peut stopper le développement du nucléaire mais qu'il est nécessaire d'encourager une coopération internationale active dans tous les domaines présentant un danger pour l'écosystème et plus précisément dans les activités du cycle nucléaire.

- 4 -

   2.3.2. Présentation d'un film vidéo d'une quinzaine de minutes. Excellent film relatant les circonstances et le déroulement de l'accident et montrant un certain nombre d'opérations et de vues post-accidentelles.

A l'évidence, les soviétiques ont fait un très gros effort médiatique de présentation. M. THOMAS s'efforcera de nous procurer une copie de cette cassette vidéo.

   2.3.3. Intervention technique

– Réinsiste à nouveau sur la nécessité du nucléaire pour l'URSS.

Nota : d'une façon assez générale, nous entendrons plusieurs fois les mêmes choses, y compris et surtout pour ce qui concerne la description de la séquence accidentelle.

– L'accident de TCHERNOBYL a montré les dangers de l'énergie nucléaire. Suit alors un amalgame entre les risques du nucléaire civil et :

. la prolifération des armes nucléaires,
. les dangers par rapport au terrorisme nucléaire,
. les dangers présentés par les installations nucléaires civiles à l'occasion d'un conflit armé.

Tous ces risques rendent "la guerre encore plus absurde et inadmissible".

Ce discours est également présent dans le rapport écrit et sera repris lors de la séance plénière de clôture.

– Description du RBMK 1000.

Il y a actuellement environ 15 GW de puissance installée en réacteurs RBMK (14 RBMK 1000 et 1 RBMK 1500).

Cette puissance devrait augmenter mais son pourcentage dans le parc nucléaire diminuera.

Les travaux des tranches 5 et 6 de TCHERNOBYL sont arrêtés pour l'instant.

Insiste sur le bon fonctionnement de la filière RBMK qui a 100 années-réacteurs d'expérience.

_ 5 _

  LENINGRAD KURSK TCHERNOBYL SMOLENSK
Puissance installée au 01/01/86
4000
4000
4000
2000
Production entre 1981 et 1985 (en milliards de kwh)
140.4
82.4
106.6
23.4
Facteur de charge en 1985

84%
                                 (1)

79%

              

83%
                               (2)

76%

 

(1) 91 % sur la tranche 4
(2) 90 % sur la tranche 2

Principaux avantages de la filière RBMK :

. absence de cuve sous pression de fabrication difficile ;
. rechargement continu ;
. possibilité d'une surchauffe nucléaire (non réalisée) ;
. fiabilité thermique élevée ;
. durabilité du réacteur.

Inconvénients majeurs :

. coefficient de vide positif (2.10 -4 par volume .% vapeur dû à la transition de phase dans le caloporteur ;

. forte sensibilité du flux neutronique à différents types de perturbation de réactivité, nécessitant un système de contrôle complexe ;

. complexité du système caloporteur à l'entrée et à la sortie du coeur ;

. forte accumulation d'énergie thermique dans les structures métalliques et l'empilement graphite.

Les caractéristiques du RBMK sont décrites dans le document ci-joint. Parmi ces caractéristiques, le Professeur LEGOSOF a particulièrement insisté sur :

le critère des 30 barres. Afin d'assurer une vitesse d'insertion d'anti-réactivité suffisante pour compenser l'effet de vide, il doit y avoir en permanence dans le coeur l'équivalent de 30 barres de pilotage. Ce critère ne peut être transgressé qu'après 1'autorisation de l'ingénieur en chef de 1a centrale. En aucun cas (même le premier ministre ne peut donner une telle autorisation !) le nombre de barres équivalentes ne peut étre réduit à moins de 15 .

_ 6 _

Pourquoi une exigence aussi cruciale et essentielle ne faisait-elle pas l'objet d'une automatisation ?

Parce que, lors de la conception du RBMK, il a été jugé que la fiabilité d'un tel dispositif était moins bonne que celle de l'opérateur !

. Le confinement. Toutes les zones potentiellement dangereuses sont placées dans des confinements capables de résister à une surpression provoquée par une rupture du circuit primaire (les locaux des collecteurs d'entrée et de sortie d'eau de refroidissement du coeur résistent à une surpression de 0,08 MPa. Les locaux des séparateurs et des pompes de circulation à une surpression de 0,45 MPa). Ces confinements sont reliés par des systèmes de décharge à la piscine de suppression de pression.

Les soviétiques considèrent que ce dispositif de confinement est équivalent à celui utilisé dans la filière VVER (à eau pressurisée). Il n'a pas été tenu compte cependant d'une explosion.

Il faut noter de plus qu'il n’y a pas d’arrêt d'urgence dans ces réacteurs. Afin de limiter le nombre de passages par zéro, il existe un système de réduction de puissance à plusieurs stades en fonction du défaut (30 % lors de la perte d'une pompe de circulation -50 % pour la perte d'un des deux groupes turbo-alternateur - 100 % pour la perte des deux groupes). L'insertion la plus rapide a une vitesse de 0,4 m/sec.

– L'accident. La description détaillée est faite dans le document ci-joint.

La tranche 4 est en service depuis décembre 1983. Elle doit être arrêtée pour l'entretien annuel et à l'occasion de cet arrêt un test a été programmé.

. Nature et justification du test. Vérification expérimentale de la possibilité d'utiliser l'énergie électrique fournie par l'alternateur pendant le ralentissement de la ligne d'arbre (après fermeture de l'admission vapeur).

Des essais analogues avaient mis en évidence antérieurement une chute de la tension incompatible avec le bon fonctionnement des auxiliaires concernés. D'où la mise au point d'un régulateur de champ magnétique qui devait être testé ce jour-là. Il semblerait, mais cela n'a pu être complètement confirmé, que cette autonomie de 35 à 45 secondes soit nécessaire, en cas de black-out total. pour assurer le refroidissement du coeur avant le fonctionnement en thermosiphon.

_ 7 _

. Procédure de test. L'organisation de cet essai a été confiée à un ingénieur électricien qui avait déjà réalisé les précédents essais.

Curieusement, bien que 1a procédure (avalisée par l'ingénieur en chef !) prévoyait une mise hors service du système de refroidissement de secours, aucun spécialiste physicien n'était impliqué.

La commission d'experts soviétiques a jugé que ce programme d'essai montrait de nombreuses carences :

. procédure mal établie non approuvée par les concepteurs,
. violation de spécifications techniques,
. non prise en compte de la sûreté,
. insuffisance de préparation du personnel d'exploitation.

. Déroulement de l'essai

Le 25 avril à 1hOO le réacteur est à 3200 MWth.

. Baisse de charge jusqu'à 1600 MWth, puissance atteinte à 13h05. Découplage du GTA n° 7 et mise hors service de l'alimentation de secours du réacteur (prévue dans la procédure).

. Palier à 1600 MWth demandé, de façon impromptue, par le dispatching jusqu'à 23h10.

. Reprise de la baisse de charge et passage en manuel de la régulation = ERREUR de l'opérateur qui ne peut alors contrôler la puissance qui chute à 30 MWth (alors que l'essai était prévu à 700-1000 MWth).

. La puissance est remontée à 200 MWth tant bien que mal du fait de l'effet xenon.

A partir de 1h00 le 26 avril, le réacteur fait ce qu'il veut et les opérateurs font n'importe quoi :

- non respect de la règle des 30 barres (il ne restera plus que 6 à 8 barres) = VIOLATION

- démarrage de 2 pompes de circulation supplémentaires (8, alors que 6 suffisent) entraînant un risque de cavitation et une totale saturation dans le réacteur = VIOLATION

- blocage de la sécurité niveau bas dans les séparateur = VIOLATION

- etc ...

_ 8 _

. Malgré celà, l'essai proprement dit est démarré à 1h23mn04sec par la fermeture de l'admission turbine du GTA n°8. Auparavant, les exploitants ont bloqué la sécurité "chute de barres sur déclenchement des 2 GTA" = VIOLATION.

. A 1h23mn40sec, le chef de quart provoque la chute des barres de sécurité. Il sera démontré qu'elles n'ont eu aucune efficacité pendant 6 secondes.

Elles sont ensuite bloquées quand la première explosion se produit.

. Commentaires du Professeur LEGASOF

Une telle combinaison, très improbable, de violations des spécifications techniques n'avait pas été prise en compte par les concepteurs. Nous avons pris conscience tardivement (après beaucoup d'autres pays) que l'improbable était possibIe.

La sûreté sera améliorée au plan de la conception :

– dans l'immédiat par deux mesures :

. en faisant passer la marge de 30 à 80 barres, ce qui devrait permettre de réduire d'un facteur 2 le coefficient positif de vide ;

. en augmentant l'efficacité des barres de sécurité en les maintenant enfoncées en permanence dans le réacteur (1,20 m).

Ces mesures seront mises en oeuvre sur tous les réacteurs RBMK dans les meilleurs délais (la moitié d'entre eux sont actuellement à l'arrêt).

_ 9_

– à plus long terme :

. en passant d'un enrichissement de 2 % à 2,4 %, ce qui permettra un nouveau gain d'un facteur 2 sur le coefficient de vide ;

. étude d'un dispositif redondant d'arrêt d'urgence (liquide, gaz ou solide ?).

Indépendamment de la conception un gros effort sera fait dans les domaines touchant aux facteurs humains : formation, interface homme-machine, procédures, organisation.

– Le post-accident

. Intervention très rapide des pompiers qui ont rapidement circonscrit tous les foyers d'incendie (en moins de 5 heures).

. Moscou a été rapidement prévenu par les exploitants conformément à la procédure qui prévoit 4 niveaux :

- Danger atomique
- Danger de rayonnement
- Danger incendie
- Danger technique

Les exploitants n'ont cependant pas su apprécier correctement l'importance de l'accident et la situation radiologique.

. La situation radiologique s'est aggravée le 26 à 22 heures du fait de l'incendie du graphite.

Décision prise de l'évacuation dans un rayon de 30 km, soit 135.000 habitants .

La ville de PRIPYAT a été évacuée tardivement (le 28 avril mais dans un temps record (49.000 personnes en 2 heures 30.

. 5.000 tonnes de matériaux ont été déversées par les hélicoptères de l'armée :

- du carbure de bore pour éliminer les produits de fission,
- de la dolomite,
- du plomb,
- du sable et de l'argile pour filtrer.

Les rejets de 12 MCi le premier jour sont tombés à 2 MCi les 4 et 5ième jours pour remonter à 8 MCi le 9ème jour pour une raison qui est encore à l'étude.

Au total, les soviétiques estiment (avec une précision de 50 %) que les rejets ont été de 50 MCi (sans compter les gaz rares), soit 3,5 % de la quantité totale de radioéléments contenus dans le coeur.

Les rejets ont pratiquement cessés aujourd'hui : quelques dizaines de Ci par jour.

_ 10_

. Bilan sanitaire

31 morts
203 personnes sérieusement atteintes

Dose collective : 9 millions hommes-rem en 1986
                          29 millions hommes-rem en 50 ans

. Objectifs sur le site de TCHERNOBYL :

- Mettre la 4ème tranche en cocon d'ici octobre 1986.

- Redémarrer les tranches 1 et 2 avant la fin de l'année.

- Pas de date précisée pour la tranche 3 ; les investigations sont en cours.

- Rien de précis pour la construction des tranches 5 et 6.

Difficulté particulière à résoudre : les logements pour le personnel.

 

III. GROUPES DE TRAVAIL

      3.1. Groupe 1 : Président : M. EDMONSON (CEGB)

Interlocuteur soviétique : Professeur ABAGYAN (Directeur de l'Institut des centrales nucléaires) aidé d'un grand nombre de spécialistes.

      Deux grandes séries de questions sont abordées dans ce
      groupe :          - les causes de l'accident,
                            - la séquence accidentelle jusqu'à l'excursion de radioactivité.

      Remarque : l'ensemble du débat a été assez confus pour vraisemblablement 4 raisons :

. les soviétiques ont eu 350 questions et n'ont pas eu le temps de préparer leurs réponses,

. la présidence assurée par M. EDMONSON n'a pas été assez ferme, celui-ci ayant choisi de faire parler les participants dans la salle de leur propre expérience,

. les soviétiques étaient mal à l'aise dès lors qu'ils étaient questionnés sur des problèmes de conception et d'organisation,

. les études sur la séquence accidentelle ne sont pas terminées.

_ 11_

Donc, un très grand nombre de questions de conception et de philosophie de sûreté sont restées sans réponse. L'A.I.E.A. devra voir avec les soviétiques comment pallier ces lacunes.

Le Professeur ABAGYAN s'est attaché à démontrer que la cause fondamentale de l'accident est de nature humaine. Selon lui, le personnel avait perdu tout sens du danger, peut-être du fait de la qualité des performances de la centrale.

Il est de toutes façons convaincu que les centrales RBMK sont sûres : "si les procédures et spécifications techniques avaient été respectées, il n'y aurait pas eu d'accident".

Admet cependant que l'interface homme-machine est à repenser, car il est difficile de comprendre rapidement ce qui se passe dans une salle de commande comme celle de TCHERNOBYL.

La formation est également un point très important. Sur l'ensemble des domaines touchant aux facteurs humains, préconise une coopération internationale. Il est en celà appuyé par quelques personnes et par le Président qui reprend cette proposition dans ses propres conclusions.

Comme on pouvait le craindre, certains délégués suggèrent un rôle accru de l'A.I.E.A., dans la mise au point de critères internationaux de sûreté et même de critères de formation et pourquoi pas dans la création d'une licence.

J'indique, pour ma part, qu'un grand nombre de choses se font déjà depuis TMI, notamment dans le domaine du retour d'expérience avec les banques de l'INPO et de l'UNIPEDE. M. SAITCEVSKY rappelle, quant à lui, que des groupes de travail existent au sein de l'UNIPEDE sur tous les thèmes évoqués.

   3.2. Groupe 2 : Président : M. TANGUY (EDF)

Interlocuteur soviétique : Professeur ABAGYAN, aidé par les mêmes spécialistes.

Remarque :

A l'inverse du premier, le débat a été très clair et les réponses des soviétiques très précises compte-tenu de l'état actuel de leurs études.

. Du fait des différentes manoeuvres des opérateurs et de l'état du réacteur (6 à 8 barres de marge), on a été en présence d'une excursion de réactivité très importante. La puissance est passée de 7 % à 100XPN en 1 seconde environ.

Cette excursion a cependant été moins rapide que celles mises en évidence dans un certain nombre d'expériences (quelques msec ou 1/10 msec). Des études complémentaires sont donc nécessaires.

_ 12_

. Dégagement d'une énergie de 300 Cal/g provoquant la pulvérisation de l'U02 (30 % du combustible, en partie basse), la destruction des gaines et une production violente de vapeur. La 1ère explosion est une explosion vapeur.

L'énergie dégagée par cette explosion a provoqué une surpression de plus de 10 atmosphères qui a soulevé la dalle du réacteur (2.000 tonnes) et a provoqué de ce fait la destruction de tous les tubes de force.

. L'arrêt de la réaction de fission n'a pu être provoqué par les barres. Deux hypothèses :

- l'explosion a entraîné une homogénéisation du coeur et donc une réduction de l'efficacité,

- l'éjection des blocs de graphite a diminué le coefficient de modération.

Il est de la plus grande importance pour les experts de bien connaître ce qui s'est passé pendent la minute qui précède l'explosion.

. La 2ème explosion s'est produite 2 à 3 secondes après la première. Les soviétiques pensent qu'il s'agit d'une explosion d'un mélange H2 et CO.

Certains experts pensent qu'elle aurait pu être la conséquence d'une deuxième excursion de réactivité dans la 2ème partie du coeur.

Cette explosion a provoqué le déplacement du combustible et sa dispersion.

. Où se trouve le combustible ?

-  0,2 à 0,3 %      avec une granulométrie de 1 à 10 µ sur le site
-  1,5 %               sur un rayon de 20 km
-  2 %                  au-delà de 20 km

Il reste 96 % du combustible dans le bâtiment réacteur localisé :

-  dans la cavité du réacteur,
-  dans les tuyauteries du circuit primaire et en particulier dans les séparateurs de vapeur.

. Environ 10 % (250 tonnes) du graphite a brûlé. Le graphite est dispersé dans tous les emplacements libres autour du réacteur, soit sous forme de blocs, soit sous forme de débris.

. Lutte contre l'incendie : présentation faite par le Général KIMSTACH.

Dans chaque centrale, il y a des pompiers de très grande expérience (8 années).

_ 13_

Trois équipes ont été disponibles immédiatement et ont circonscrit les incendies (une trentaine, notamment sur le toit de la salle des machines) très rapidement.

Fait un certain nombre de recommandations qui seront reprises dans les conclusions de M. ROMETSCH.

. La piscine de stockage du combustible de la tranche 4 n'a subi aucun dégât. Elle contenait une centaine d'éléments combustibles.

. Le personnel de conduite de la tranche 4 a bien réagi après l'accident.

Deux opérateurs sont restés en salle de commande et sont en bonne santé.

Les autres opérateurs sont sortis pour se rendre compte de ce qui se passait ; ils ont été fortement irradiés.

. Mise en sarcophage de l'installation.

Une étude très poussée a été faite. Une structure métallique et en béton sera construite autour de tous les bâtiments de la tranche 4 afin de ramener le débit d'exposition à :

–  1 m Rem/h au sol
–  5 m Rem/h sur le toit de cette structure

L'ensemble sera ventilé et refroidi par un circuit en boucle ouverte qui maintiendra une légère dépression à l'intérieur. Elle résistera aux phénomènes naturels : vent, eau, etc...

Cette structure devrait être terminée en octobre 1986.

   3.3. Groupe 3 : Président : Monsieur RABOLT (RDA)

Informations fournies lors de la synthèse du dernier jour.

. Décontamination. Les soviétiques ont acquis et vont encore acquérir une très grande expérience.

Ont utilisé plusieurs types de décontamination, notamment

sur les tranches 1 et 2 : - aspersion

     - vapeur
     - liquide
     - film à séchage rapide

Pour la décontamination du sol, ont procédé à l'enlèvement de 5 à 10 cm et/ou à une couverture de béton.

Les produits de décontamination sont stockés pour l'instant sur le site.

_ 14_

. Mesures d'urgence

–  La philosophie générale d'évacuation est la suivante :

. < 45 Rem pas d'évacuation
. > 75 Rem évacuation
. entre 45 et 75 Rem, les critères restent à préciser ; en particulier confinement dans les habitations.

–  Difficultés posées par l'évacuation du bétail (plusieurs dizaines de milliers de têtes).

–  Très grande importance d'un pouvoir décisionnel unique mis en place dans les meilleurs délais.

. La situation confuse qui est apparue dans certains pays européens a montré la nécessité d'une réflexion internationale dans le domaine des mesures d'urgence.

3.4. Groupe 4 : Président : M. BENINSON (Argentine)

Informations fournies lors de la synthèse du dernier jour.

Parmi les thèmes traités (à caractère purement médical), notons en particulier que les évaluations de dose collective faites par les soviétiques étaient très conservatives.

Les soviétiques avaient en effet calculé que les 75 millions d'habitants de l'Ukraine et de la Biélorussie recevraient chacun en moyenne une dose de 3,3 Rems pendant leur vie, soit une dose collective de 247 millions d'hommes-rem.

En partant de là et compte-tenu des normes de la CIPR (un cancer probable pour une irradiation de 10.000 rads), le chiffre de 25.000 décès par cancer avait été cité.

Les chiffres sont en fait inférieurs d'au moins un facteur 10 et ils doivent être présentés avec précaution en indiquant qu'il s'agit d'une valeur maximale.

IV. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

   4.1. M. ROMETSCH a proposé une liste de 13 recommandations à l'AIEA :

 1. Collaboration internationale sur les accidents graves.

 2. Echange international sur l'interface homme-machine.

 3. Conférence internationale sur le juste équilibre entre l'automatisation et l'homme.

_ 15_ 

 4. Echange d'expérience sur l'exploitation et la formation.

     Normes AIEA sur la formation et sur les licences.

 5. Réexamen des normes NUS.

 6. - Examen des normes de lutte contre l'incendie.
     - Développement des techniques de lutte.
     - Amélioration des matériels d'intervention.
     - Colloque AIEA sur les incendies dans les centrales nucléaires.

 7. Coopération internationale pour la définition de niveaux de référence de plan d'urgence homogènes.

 8. Etudes et échanges sur les problèmes de contamination.

 9. Echanges sur les données de surveillance du milieu ambiant.

     Etudes sur la dispersion et le transfert des radionucléides.

 10. Travaux pour améliorer l'évaluation préliminaire des doses individuelles.

 11. Journée d'étude internationale sur les effets différés.

 12. Coopération internationale sur l'efficacité des procédures de traitement. Méthode thérapeutique de base.

13. Recommandation concernant le médical (?)

4.2. Conclusions de M. LEGASOV

TCHERNOBYL nous incite à renforcer la sûreté. Les contacts que nous avons eus nous aideront, et nous souhaitons les développer.

Cependant, ces contacts n'auraient aucun sens si l'on ne tenait pas compte des dangers découlant d'un conflit nucléaire. C'est pourquoi l'URSS a instauré un moratoire sur les explosions et a proposé un désarmement nucléaire !