Douvres

JOURNAL

 

"Celui qui dit la vérité, il doit être exécuté."

 

N°42,          21 juin 2000

 


58 MORTS A DOUVRES !
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POLICE PARTOUT :
JUSTICE NULLE PART !

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Il n'est pas question, ici, de nier la responsabilité de ces salauds de trafiquants d'esclaves. Mais il me faut bien vous dire ce qu'on oubliera soigneusement de vous dire : c'est aussi bien la répression qui tua d'une façon horrible 58 immigrés clandestins à Douvres ce dimanche 18 juin 2000 peu avant minuit !


         

          Rappelons-nous ce débat télévisé entre Le pen et Bernard Tapie, il y a quelques années, bien avant que les journalistes n'aient reçu l'ordre de faire tomber Le Pen, tout bonnement en cessant d'en parler : Bernard Tapie prétendait défendre les immigrés en disant qu'il en fallait bien pour leur faire faire le sale boulot, pendant que Le Pen disait qu'il vallait mieux trimballer les usines dans les pays où la main d'œuvre est à bas prix plutôt que d'amener cette main d'œuvre dans des usines construites en fRANCE. Tous les deux étaient d'accord pour exploiter la pauvreté des habitants du tiers-monde !

          Que ce soit dans les anciennes colonies, que ce soit dans l'ancienne Afrique du Sud (vaincue il y a quelques années par l'Angola avec l'aide de 40 000 guérilleros cubains) ou que ce soit dans l'actuel Israël, l'apartheid règne en maître, et, quand la main d'œuvre de couleur a bien travaillé, elle doit s'éloigner des zones réservées à ses maîtres car ces derniers n'en supportent ni la couleur ni l'odeur. Et en effet, après qu'ils aient beaucoup travaillé, il arrive que la sueur fasse puer les esclaves, qui, par conséquent, doivent immédiatement rejoindre leurs zones réservées, les bantoustans.

          C'est bien entendu le raisonnement de Le Pen et des colons qui prévaut chez les capitalistes (pardon, comme on ne dit plus capitalisme mais libéralisme, je suppose que j'aurais dû dire libérateur au lieu de capitaliste, mais je suis un homme du passé...) Aussi, c'est bien parce que les maîtres du monde n'ont pu faire autrement qu'ils ont importés des esclaves en occident. En effet, pour construire divers batiments, et diverses infrastructures nécessaires au développement du capitalisme, comme, dans un premier temps, les voies ferrées, ou, plus tard, le réseau routier, les capitalistes n'eurent pas le choix : les esclaves devaient être sur place !

          Mais il y a une autre raison pour laquelle les patrons avaient besoin d'une main d'œuvre immigrée en Occident : le coût du transport des marchandises. Il y a encore vingt ou trente ans, construire des usines à l'autre bout du monde pour y employer une main d'œuvre à bas prix n'était pas rentable. En effet, les marchandises ainsi produites ne pouvant être vendues sur place, il fallait les transporter en Occident, ce qui coûtait très cher. Plus cher que d'importer des travailleurs immigrés en Occident pour leur faire construire les usines dans lesquelles ils seraient ensuite exploités encore bien plus que des ouvriers occidentaux. D'autant plus qu'on pouvait arnaquer facilement les futurs esclaves en leur faisant payer leurs titres de transport : il a suffit de leur faire croire que la fRANCE, par exemple, était une " Terre d'accueil et de liberté " où ils deviendraient très riches pour qu'ils cherchent à immigrer d'eux-mêmes !

          Quand l'essentiel des bâtiments furent bâtis, quand les infrastructures ferroviaires, routières et autres furent construites, quand le coût du transport des marchandises baissa assez pour qu'il soit suffisamment rentable de trimballer les usines dans les " réservoirs de main d'œuvre à bas prix " à l'autre bout du monde, quand ils n'eurent plus besoin d'avoir des immigrés sur place, en Occident, les capitalistes essayèrent de s'en débarrasser en leur " donnant " des " aides au retour ".

          C'est alors que la fRANCE, par exemple, cessa d'être une " terre d'accueil et de liberté ". Les capitalistes tentèrent de refermer les frontières de l'Occident, d'en faire une forteresse réservée aux êtres " humains " incolores et inodores, l'ensemble des pays du " Tiers-Monde " étant ainsi considéré comme un énorme bantoustan.

          Mais il existe toujours des secteurs retardataires, comme par exemple la restauration ou la confection. Dans ces secteurs, il est parfois encore rentable d'utiliser des immigrés (même et surtout des femmes et des enfants) à conditions qu'ils soient clandestins. En effet, s'ils n'étaient pas clandestins, il faudrait les payer nettement plus... quand on les paye, je veux dire. Car ils ne sont pas toujours payés. En effet, à peine arrivés en fRANCE, par exemple, les immigrés sont totalement dépendants de la " protection " de leurs maîtres, puisqu'ils doivent leur rembourser les frais du passage clandestin en occident, qu'ils ne récupèreront leurs " papiers " qu'après avoir remboursé, qu'en plus il y a les intérêts, et qu'ils ne sont pas prêt d'avoir fini de rembourser tout ça par leur travail, déjà bien beau qu'on les nourrisse ! C'est ce qui s'appelle " l'esclavage par la dette ".

          Bien entendu, dans le débat sur les immigrés, les clandestins sont habituellement considérés comme coupables, ce qui autorise tous les chantages de la part de leurs maîtres, qui les ont attirés, et dont on oublie systématiquement de parler : nous voyons bien là l'utilité de la répression contre " les immigrés clandestins " ! Si les états occidentaux étaient des gentils, ils feraient de la répression contre les trafiquants d'esclaves et contre les esclavagistes plutôt que contre les esclaves ; et au lieu de traiter les " immigrés clandestins " en coupables, ils les considèreraient comme des esclaves, ou futurs esclaves, à libérer, à réconforter, à aider sérieusement, et peut-être à accueillir correctement, pour leur faire oublier tous les malheurs qu'ils ont subi !

          Il a fallu le choc de Douvres, où la police découvrit 58 esclaves morts dans un camion, pour qu'on pense enfin que les vrais coupables sont les trafiquants d'esclaves ! Mais pas d'illusions : si les choses nous sont enfin présentées ainsi, sous un jour un peu plus vrai, c'est seulement parce que la population a beau être hypnotisée par le pouvoir (c'est à ça que servent les médias. Je vous en prie : " Ouvrez les yeux, fermez la télé ! "), elle ne l'est pas encore suffisamment pour qu'on puisse lui dire " Vous voyez, ces ordures d'immigrés clandestins qui sont morts dans ce camion sont bien punis, ça leur apprendra à contrevenir aux lois, et ça servira d'exemple aux autres ", il a donc bien fallu qu'on nous serve une soupe un peu meilleure. Seulement un peu meilleure, parce que si on nous a parlé des trafiquants d'esclaves, sans toutefois utiliser ces mots pour les désigner alors que, pourtant, ce sont les seuls adéquats, on a tout de même oublié de nous parler des esclavagistes, sans lesquels ce trafic n'aurait pas lieu d'être, et bien entendu, on nous a encore moins dit que tout ça faisait partie du fonctionnement normal du capitalisme. Comme quoi, même si le capitalisme a encore des progrès à faire dans l'hypnose des foules, ces dernières sont déjà pas mal subjuguées !

          Il y a bien sûr plusieurs leçons à tirer de tout ça : premièrement, la répression exercée contre les immigrés clandestins est tout autant responsable des morts de Douvres que les esclavagistes et les trafiquants car sans elle il n'y aurait pas eu ces morts ! Deuxièmement, il y a répression partout où est présente l'injustice : " police partout, justice nulle part ! " Troisièmement, il serait temps que la population se déshypnotise tant que l'hypnose n'est pas encore tout à fait totale : déshypnotisons-nous les uns les autres ! Et enfin : le seul moyen de nous guérir des maux du capitalisme est de supprimer le capitalisme !

          Vive la révolution !          


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