13 juin 2001

 

Mardi 12 juin 2001 vers 16h45, un groupe d'une cinquantaine d'individu-e-s
a convergé vers la CRCI (Chambre Régionale de Commerce et d'Industrie de
Bourgogne), située place des Nations Unies à Dijon. Pendant que quelques
personnes montaient sur le toit à l'aide d'une échelle et y déployaient une
banderole ("Non au Plan Colombie"), que d'autres occupaient les bureaux de
l'Euro Info Centre (relais de la commission européenne en Bourgogne), une
seconde banderole de quinze mètres était placée sur le boulevard (on
pouvait y lire "Plan Colombie : l'état français et la commission européenne
finançent le massacre des populations locales au profit des
multinationales"). Le but de l'action était d'une part d'informer la
population sur la situation en Colombie et la participation européenne aux
massacres y étant perpétrés. D'autre part, nous entendions ainsi signifier
à nouveau notre vive opposition aux politiques des gouvernants européens,
dont certains se réunissaient au même moment à Freiburg pour un "sommet
franco-allemand" visant à préparer le prochain sommet européen de Göteborg
en Suède (programmé pour les 14, 15 et 16 juin 2001). Ceci en exigeant de
la CRCI l'envoi par fax de nos revendications à diverses instances
européennes, et en distrubiant de nombreux tracts aux passant-e-s,
automobilistes et
employé-e-s du bâtiment.

En raison du refus des responsables de donner suite à nos demandes,
l'occupation s'est prolongée pendant plusieurs heures. Des policiers
arrivés sur les lieux ont négocié pendant près d'une heure l'évacuation des
bureaux, puis du toit, sans succès. Les discussions se sont prolongées par
téléphone avec le directeur de la CRCI, qui daigna enfin se déplacer vers
19h. Ayant finalement obtenu des garanties que les fax seraient envoyés,
nous avons accepté de sortir du bâtiment, pendant que l'un d'entre nous
accompagnait le directeur dans l'exécution diligente de sa tâche.
L'occupation prit fin vers 19h30, à la réception des récipissés du
Parlement Européen et de la Commission Européenne.

Cette action s'inscrivait dans le cadre d'une campagne de solidarité avec
les résistant-e-s colombien-ne-s, menée dans diverses villes du monde
depuis le début du mois de juin.

Le fax adressé aux autorités européennes contenait ces revendications :

"PAS UN SEUL EURO POUR UNE POLITIQUE GENOCIDAIRE !
Nous exigeons de l'Union Européenne l'arrêt du financement au profit du
gouvernement colombien qui utilise les paramilitaires pour exterminer les
populations indigènes et les opposant-e-s à la politique néolibérale et
génocidaire.

NOUS EXIGEONS LA PRESENCE D'UNE MISSION DIPLOMATIQUE INTERNATIONALE DES
MAINTENANT
Nous voulons pouvoir choisir qui fera partie de cette mission diplomatique
pour nous assurer de l'objectivité des rapports de recherche. Nous voulons
savoir et rapporter la réalité des faits et des exactions commis en terre
colombienne.

NOUS PROPOSONS DE TOUTE URGENCE LA CREATION D'UN FOND POUR FINANCER LES
PROJETS DES COMMUNAUTES INDIGENES
Les difficultés financières et logistiques que rencontrent les communautés
indigènes imposent une aide internationale concrète notamment pour créer
une infrastructure de communication pour les mouvements sociaux colombiens
comme instrument nécessaire de légitime défense et d'information
inter-communautaire. L'investissement de quelques millions de francs pour
la création de ce type d'infrastructure ne représente rien au vu des
budgets engagés dans le conflit par la communauté européenne (350 millions
d'euros !).

Nous ne cesserons de harceler les dirigeant-e-s des institutions
européennes autant que nationales. En ce jour de sommet franco-allemand,
nous tenons à marquer notre opposition aux politiques menées par l'Union
Européenne et les États-Unis en Amérique latine."

Ci-dessous, le tract distribué lors de l'occupation (dont une version mise
en forme est disponible sur le site oueb de Maloka - format PDF) :

Plan Colombie : la mondialisation à coups de couteau

Nous occupons aujourd'hui la Chambre régionale de Commerce et
d'industrie de Bourgogne et les bureaux de l'Euro Info Centre afin de
protester contre la décision récente de la France, des autres états
européens ainsi que de la Commission européenne de participer à la hauteur
de 338 millions d'euros au financement du Plan Colombie. Notre action
s'inscrit dans la création d'un mouvement européen d'actions et d'échanges
solidaires avec les populations colombiennes et notamment les communautés
paysannes autogérées noires (Processus des Communautés Noires) et indigènes.

Le Plan Colombie, c'est quoi ?

Le Plan Colombie est un programme de guerre contre les populations
colombiennes agencé par le gouvernement des États-Unis. Celui-ci offre 1,6
milliards de dollars en armement au gouvernement colombien. Sous prétexte
de lutter contre la production de drogues, ce plan s'appuie aussi sur un
usage massif d'armes biologiques qui vont s'attaquer à la fertilité des
terres et rendre l'agriculture vivrière impossible. Il s'agit de tuer ou de
déplacer les populations locales afin de permettre aux seules
multi-nationales d'utiliser ces terres pour l'agro-business, le pétrole ou
la construction de voies de transit pour les marchandises.
On prédit déjà que cela pourrait être le prochain Vietnam, une longue et
sale guerre dans tous les pays andins. Car l'enjeu réel est d'écraser les
mouvements populaires qui résistent - souvent avec succès - au programme
néo-colonial des transnationales en Colombie, Équateur, Pérou et Bolivie.
On veut surtout éradiquer les organisations paysannes, indigènes et noires
qui, dans les campagnes, refusent l'expulsion de leurs terres, la
destruction de leurs communautés, cultures et environnement, ainsi que les
syndicats de citadin-e-s qui refusent les privatisations, la réduction du
pouvoir d'achat et des budgets sociaux.

Le plan Colombie vient renforcer les exactions conduites par les
paramilitaires, une puissante armée agissant avec la complicité de l'État.
Ils s'attaquent quasi exclusivement aux civil-e-s et utilisent la terreur
pour chasser les habitant-e-s des terres convoitées (déjà 2 millions de
"déplacé-e-s").

Le volet civil du plan est financé par les pays européens. Il participe
directement à ce processus planifié de déplacement des populations tout en
se targuant cyniquement d'humanitarisme. Il prévoit en effet des camps où
parquer les réfugié-e-s et le recyclage d'une partie des paysan-ne-s en
travailleurs et travailleuses sans terre exploité-e-s sur les plantations
des multinationales. Les autres iront grossir les bidonvilles.

La situation actuelle en Colombie

Parfaitement coordonnée avec le début du "Plan Columbia", la violence
paramilitaire explose dans tout le pays. L'année dernière, on comptait déjà
presque dix morts par jour. A présent, les massacres se multiplient en
nombre et en gravité : le dernier n'a pas fait des dizaines, mais des
centaines de victimes. Pourquoi ? Parce que beaucoup de paysan-ne-s,
d'indigènes et de communautés afro-américaines s'accrochent à leurs terres
et à des modes de vie communautaires en marge du marché. Pour les
responsables du "développement" il y a trop de paysan-ne-s ! Le "progrès"
demande la concentration des terres par les multinationales de
l'agro-exportation...
Les plantations de bananes Chiquita, de fleurs, etc., doivent remplacer
l'agriculture destinée à la population locale.

Ce "progrès" requiert l'expulsion des indigènes pour faire place aux
pétroliers et à des barrages ; l'expulsion des communautés noires au profit
de la construction d'un nouveau canal transocéanique et de la plantation de
palme ; le déplacement de paysan-ne-s pour creuser des mines d'or ou de
charbon à ciel ouvert - le tout financé par Citibank, Bank of America, etc.
La pression économique n'étant pas suffisante, les nouveaux Conquistadores
recourent à l'ancienne méthode : les massacres. Chiquita et British
Petroleum ont été parmi les premiers à financer des paramilitaires,
aujourd'hui au nombre de 30'000.

Chaque fois se répète le même scénario sinistre. L'armée débarque dans
un territoire convoité, prétextant le passage de guérillas dans la région
et désarme les paysan-ne-s. Elle dit clairement aux gens que les
paramilitaires les suivront pour "nettoyer" la zone. Ceux-ci se présentent
ensuite, le plus souvent en annonçant tout simplement qu'ils tueront
tou-te-s les habitant-e-s encore là après tant de jours. Les organisations
de défense des droits humains, les églises, etc. alertent la police,
l'armée, la présidence et l'ONU. RIEN. Puis, les paramilitaires arrivent et
massacrent. Les habitant-e-s fuient par centaines ou par milliers. Les
paramilitaires repartis, l'armée repasse ramasser quelques cadavres.
histoire d'avoir l'air de faire quelque chose.

Ainsi, on avait compté plus de 200 morts ces derniers mois rien que
dans le Cauca (côte Pacifique). Mais à présent les "paracos" passent la
deuxième. Pendant Pâques, ils sont arrivés sur le Rio Naya, tuant près de
300 personnes, dans 25 localités. Certaines ont été découpées vivantes à la
tronçonneuse, car il ne s'agit pas seulement de tuer, mais surtout de
terroriser - pour évacuer les terres.

Le chef des paramilitaires, Carlos Castaños, a revendiqué ce massacre.
L'armée s'est d'abord contentée de déclarer que la situation dans la région
était calme, "hormis quelques affrontements entre groupes armés". La
solution finale de la question paysanne est ainsi planifiée. En démocratie
(néo-libérale), on se doit de privatiser les massacres. Mais personne n'est
dupe. A Buenaventura, la plus grande ville de la côte, les paramilitaires
patrouillent les faubourgs, liste de proies en main. Près de la base
navale, des corps de Noirs pendent des arbres jusqu'à ce qu'ils se
décomposent et tombent dans l'eau.

En quittant Rio Naya, les paramilitaires avaient annoncé de prochaines
victimes. En effet, le 29 avril, ils ont exécuté sept personnes à la hache
à El Firme, et ordonné aux gens des Rios Raposo et Yurumangui de quitter
leurs terres. Nous connaissons personnellement les leaders de ces
communautés, qui étaient en Europe pour la mobilisation contre le Forum
Économique Mondial de Davos en février dernier. D'autres massacres sont
annoncés dans différentes régions du pays.

Dans la lutte contre le Plan Colombie, il est clair qu'il ne s'agit pas
de droits humains dans leur seul sens de droits individuels à la vie. Il
s'agit aussi de droits collectifs : le droit à la terre et à l'eau, le
droit de choisir une autre organisation sociale, le droit de vivre
simplement de son environnement sans le détruire, le droit à d'autres
valeurs et modes de vie que ceux imposés par les dominants. Le Columbia
Plan vise très clairement à imposer un modèle agro-industriel "moderne" en
provoquant un exode rural. Il y a déjà plus de deux millions de déplacé-e-s
en Colombie et des dizaines de milliers de morts. Qui plus est, le Plan
Columbia s'étend maintenant à l'Équateur et à la Bolivie où, depuis deux
ans, des insurrections massives ont bloqué la politique de la Banque
Mondiale et du FMI. Les états de siège se succèdent et, là aussi, les
tueurs paramilitaires font leur apparition.

Là où elles rencontrent de la résistance, les transnationales utilisent
la force. La résistance des mouvements paysans est essentielle à la lutte
contre le capitalisme. Les petit-e-s paysan-ne-s représentent aujourd'hui
encore près de la moitié de la population mondiale et continuent de
garantir une certaine autonomie des populations face aux entreprises
globales, dont un des objectifs est de se rendre indispensables. Nous
devons empêcher ces prises de contrôle des capitalistes, et soutenir les
mouvements du Sud en engageant un bras de fer - ici et maintenant - avec
les gouvernements et les entreprises responsables de ces massacres.

Maloka - Collectif d'action contre le Plan Colombie

 


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