19 janvier 2009

Original in english here : http://electronicintifada.net/v2/article10215.shtml

PALESTINE

Pourquoi Israël ne survivra pas !

Ali Abunimah - The Electronic Intifada

http://mai68.org/ag/1560.htm
http://cronstadt.org/ag/1560.htm
http://kalachnikov.org/ag/1560.htm
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=5902


Depuis une colline à côté de la Bande de Gaza des Israéliens regardent les attaques
aériennes sur Gaza et dansent pour fêter les massacres, le 8 janvier 2009 (Newscom)

    Les crimes qu’Israël a perpétrés à Gaza, à partir de 11 heures 30 le 27 décembre 2008, resteront à jamais gravés dans l’histoire et la mémoire. Tel al-Hawa, Hayy al-Zeitoun, Khuzaa et les autres massacres israéliens viendront s’ajouter à la longue et sinistre liste de Deir Yasin, Qibya, Kufr Qasim, Sabra et Shatila, Qana, Jenin, etc.

    Une fois de plus, Israël a montré qu’il a la puissance et le manque de scrupules moraux nécessaires pour commettre des atrocités contre une population de réfugiés misérable qu’il a mise en cage et affamée.

    La déshumanisation et la diabolisation des Palestiniens, des Arabes et des musulmans a atteint le point où Israël peut en toute bonne conscience bombarder leurs maisons, leurs lieux de culte, leurs écoles, leurs universités, leurs usines, leurs bateaux de pêche et leurs stations de police — bref, tout ce qui est nécessaire à une vie civilisée et organisée — et tout cela au nom de la guerre contre le terrorisme.

    Et pourtant, paradoxalement, celui qui ne peut pas survivre à cette tentative de génocide c’est Israël en tant qu’État sioniste, et non pas la Palestine ou le peuple palestinien.

    Israël n’a pas mené sa « guerre » contre les roquettes — celles-ci jouent le même rôle dans son argumentation que les armes de destruction massive inexistantes que les États-Unis ont utilisées comme prétexte pour envahir et occuper l’Irak.

    Le vrai but d’Israël était de rétablir sa capacité de "dissuasion", irrémédiablement mise à mal après sa défaite de 2006 au Liban (traduction : sa capacité à soumettre des populations entières à coups de massacres et de terreur) et de détruire toute résistance palestinienne au contrôle israélo-juif total sur la Palestine historique depuis le Jourdain jusqu’à la Méditerranée.

    En éliminant, ou en affaiblissant définitivement le Hamas et les autres factions de la résistance, Israël espérait ouvrir la voie à la signature d’un marché de "paix" avec le collaborateur palestinien en chef, Mahmoud Abbas, qui gèrerait les Palestiniens pour le compte d’Israël jusqu’à ce qu’ils puissent être forcés à partir une fois pour toutes.

    Les dictatures « modérées » soutenues par les États-Unis et les monarchies absolues menées par l’Égypte et l’Arabie Saoudite ont appuyé le plan israélien en espérant prouver ainsi à leurs populations la futilité de toute résistance — que ce soit contre Israël ou contre leurs propres régimes en faillite.

    Pour gagner, Israël devait casser la résistance palestinienne. Il a échoué. Bien au contraire, il a galvanisé et unifié les Palestiniens comme jamais auparavant. Toutes les factions se sont unies et ont combattu héroïquement pendant 23 jours. Selon des sources bien informées et dignes de foi, Israël n’a guère réussi à endommager la capacité militaire modeste, mais déterminée de la résistance. Israël a fait en revanche ce à quoi il excelle : il a massacré des civils dans l’espoir que la population se retournerait contre ceux qui combattaient l’occupant.

    Israël a non seulement unifié les factions de la résistance à Gaza ; sa brutalité a eu pour effet de rallier tous les Palestiniens et les Arabes.

    On dit souvent que les régimes arabes excitent la colère contre Israël pour faire oublier leurs propres échecs à la population. En fait, Israël, les États-Unis et les régimes arabes qui leur sont asservis ont tout essayé — spécialement la diabolisation de l’Iran et la création de tensions sectaires entre musulmans sunnites et chiites — afin de détourner l’attention de la Palestine.

    Tout cela a échoué puisque des millions de personnes dans la région ont défilé pour soutenir la résistance palestinienne ; quant aux régimes arabes qui espéraient profiter du massacre de Gaza, ils ont été démasqués comme partenaires des atrocités israéliennes. Dans l’estime populaire, le Hamas et les autres factions de la résistance palestinienne ont rejoint le Hezbollah en tant que rempart contre le colonialisme israélien et occidental.

    Israël n’a plus la moindre chance de se faire accepter dans la région en tant qu’État sioniste, si elle l’a jamais eue.

    Ils se tromperaient lourdement, ceux qui en constatant la catastrophe de Gaza — destructions massives, rapport de cent à un pour le nombre de victimes palestiniennes, milliers de blessures causées par des armes sadiques — concluraient que les Palestiniens ne pourront jamais vaincre Israël et résister.

    Il est vrai que pour ce qui est de tuer et de détruire, la capacité d’Israël est sans égale. Mais le problème d’Israël n’est pas, comme sa propagande nous le répète, la destruction du terrorisme en utilisant suffisamment de puissants explosifs. Son problème est la légitimité, ou plutôt le manque profond et irréversible de légitimité. Israël ne peut simplement pas se frayer un chemin vers la légitimité à coups de bombardements.

    Israël a été fondé en tant qu’« État juif » par le nettoyage ethnique de la majorité arabe non juive de Palestine. Il n’est resté en vie que grâce au soutien occidental et au recours continu à la violence pour empêcher la population autochtone survivante de pratiquer ses droits politiques dans le pays ou de rentrer de son exil forcé.

    Malgré cela, aujourd’hui, cinquante pour cent des habitants vivant sous gouvernement israélien dans la Palestine historique (Israël, Cisjordanie et Bande de Gaza) sont des Palestiniens non juifs. Et leur nombre augmente rapidement. Tout comme les nationalistes en Irlande du Nord ou les non blancs d’Afrique du Sud, les Palestiniens ne reconnaîtront jamais le « droit » d’une société coloniale à maintenir une ethnocratie à leurs dépens par la violence, la répression et le racisme.

    Pendant des années, l’objectif du prétendu processus de paix a été de normaliser Israël en tant qu’« État juif » et obtenir la bénédiction des Palestiniens pour leur propre dépossession et leur soumission. Quand cet effort a échoué, Israël a essayé de se « désengager » de Gaza — essentiellement une ruse pour convaincre le reste du monde que le million et demi de Palestiniens qui y étaient enfermés ne devraient plus faire partie de la population. Ils constituaient, selon la définition d’Israël, une « entité hostile ».

    Dans son interview notoire de mai 2004 avec le Jérusalem post, Arnon Soffer, un des architectes du désengagement de 2005, a expliqué que cette initiative "n’est pas une garantie de paix" mais qu’elle garantit un État sioniste juif avec une majorité écrasante de juifs. Soffer a prédit qu’à l’avenir "lorsque 2,5 millions de personnes vivront dans un Gaza fermé, ce sera une catastrophe humaine. Ces gens deviendront des animaux pires qu’ils ne le sont aujourd’hui avec l’aide d’un islam fondamentaliste fou. La pression à la frontière sera terrible".

    Il a dit sans ambiguïté ce qu’Israël aurait à faire pour maintenir ce statu quo « si nous voulons rester en vie, il nous faudra tuer et tuer et tuer. Tous les jours, chaque jour ». Soffer espérait que les Palestiniens finiraient par renoncer et quitteraient Gaza définitivement.

    Par leur résistance, leur fermeté et leur sacrifice, les Palestiniens de Gaza ont mis cette politique en échec et ont réaffirmé qu’ils sont une partie inséparable de la Palestine, de son peuple, de son histoire et de son avenir.

    Israël n’est pas la première entité coloniale à se trouver dans cette situation. Lorsque F.W. de Klerk, dernier président de l’Afrique du Sud de l’apartheid, a accédé au pouvoir en 1989, ses généraux ont calculé qu’avec la puissance militaire écrasante à leur disposition, ils pouvaient maintenir le régime au pouvoir pendant dix ans au moins. Toutefois, c’eût été au prix de centaines de milliers de victimes et l’Afrique du Sud se serait trouvée encore plus isolée. Face à cette perspective, De Klerk a pris la décision de commencer à organiser le démantèlement de l’apartheid.

    Quel sera le choix d’Israël ? En l’absence de toute légitimité politique et morale, les seuls arguments qui lui restent sont les tirs et les bombes. Livré à lui-même, Israël continuera certainement à essayer — et il le fait depuis soixante ans — de massacrer les Palestiniens jusqu’à ce qu’ils se soumettent. Israël a réussi à ce que, par comparaison, les dirigeants sud-africains de l’apartheid aient l’air sages, mesurés et humains.

    Ce n’est pas parce que le gouvernement suprématiste blanc d’Afrique du Sud avait plus de scrupules que le régime sioniste qu’il n’a pas poussé l’escalade de la violence au niveau israélien de cruauté et d’audace. C’est parce qu’il a reconnu qu’il ne pourrait pas résister seul contre un mouvement mondial anti-apartheid solidaire avec la résistance interne.

    À maintes reprises, Israël a échoué à employer sa « dissuasion militaire » pour forcer les Palestiniens et les autres Arabes à accepter la suprématie sioniste comme inévitable et permanente. À présent, des fissures apparaissent dans l’autre pilier de la puissance israélienne : le soutien et la complicité de l’Occident. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour le faire tomber.

    Israël a commencé ce massacre avec le plein soutien de ses "amis" occidentaux. Ensuite il s’est produit quelque chose d’incroyable. Malgré les déclarations officielles de soutien, malgré la censure des médias, malgré l’habile hasbara (propagande) israélienne, il y a eu une mobilisation massive sans précédent du public en Europe et même en Amérique du Nord qui a exprimé son indignation et son dégoût.

    Gaza sera probablement considéré comme le moment où la propagande israélienne a perdu sa capacité à mystifier, à faire taire, et à intimider, comme il le fait depuis si longtemps. Il devient même risqué de déployer l’holocauste nazi, utilisé pendant longtemps par les sionistes pour réduire les critiques contre Israël au silence, vu les comparaisons inimaginables auparavant que l’on entend maintenant constamment. Des universitaires juifs et palestiniens ont comparé les actions d’Israël à Gaza au massacre nazi du ghetto de Varsovie. Un cardinal du Vatican a parlé de Gaza comme d’un immense « camp de concentration ». Le membre du Parlement britannique, Gerald Kaufman, autrefois un ardent sioniste, a dit à la chambre des communes : « Ma grand-mère malade était alitée lorsque les nazis sont entrés dans sa maison à Staszow (Pologne). Un soldat allemand lui a tiré une balle dans la tête ». Kaufman a poursuivi « ma grand-mère n’est pas morte pour fournir un alibi aux soldats israéliens qui assassinent les grand-mères palestiniennes à Gaza ». Il a dénoncé les justifications de la porte-parole militaire israélienne comme dignes d’un "nazi".

    Il y a eu non seulement ce type de déclarations, mais aussi les énormes manifestations, les actions non violentes directes et le soutien sans précédent au boycott, au désinvestissement et aux sanctions émanant des grands syndicats d’Italie, du Canada et de la Nouvelle-Zélande. Un groupe de conseillers municipaux regroupant tous les partis à Birmingham — deuxième gouvernement municipal européen en importance — a demandé instamment au gouvernement britannique d’appliquer ces sanctions. Salma Yaqoub du parti RESPECT a expliqué : « un des facteurs qui ont contribué à mettre fin au régime brutal d’apartheid en Afrique du Sud a été la pression internationale pour un boycott, économique, sportif et culturel. Il est temps qu’Israël commence à subir une pression similaire de la part de l’opinion mondiale ».

    Étant donné que sa vraie nature de projet colonial brutal et raté a été démasquée à Gaza, Israël est extrêmement vulnérable à ce genre de campagne. L’on n’a guère remarqué pendant le carnage de Gaza qu’Israël a pris une autre mesure très importante pour officialiser l’apartheid. Le comité des élections de la Knesset a décidé d’interdire aux partis arabes de participer aux prochaines élections. Le sionisme, idéologie de la suprématie raciale, de l’extrémisme et de la haine, est un projet agonisant en déroute qui ne trouve pas de nouvelles recrues. Si la pression est suffisante et s’exerce assez rapidement, il est probable que les Israéliens aussi trouveront leur propre de Klerk, prêt à négocier une voie de sortie. Chaque nouveau massacre rend le projet plus difficile, mais il n’est pas utopique de rêver d’une Palestine dé-sionisée, décolonisée et réintégrée, donnant l’égalité de droits à tous ceux qui y vivent, indépendamment de leur religion ou de leur ethnie et permettant le retour des réfugiés.

    Ce rêve est réalisable de notre temps. Mais il est loin d’être inévitable. Nous pouvons être certains que les gouvernements occidentaux et arabes continueront à appuyer l’apartheid israélien et la collaboration palestinienne [C'est-à-dire la fraction du Fatah dirigée par Mahmoud abbas (note de do)] sous couvert de "processus de paix" à moins que ce processus ne soit contesté d'une façon décisive. Les massacres israéliens se poursuivront jusqu’au cauchemar d’une paix à l’israélienne — c’est-à-dire apartheid et poursuite du nettoyage ethnique.

    La mobilisation des trois dernières semaines a montré qu’un monde différent est possible et à notre portée si nous soutenons le mouvement de boycott, de désinvestissement et de sanctions. Même si elles ne le verront jamais, ce serait le monument dressé à la mémoire de toutes les victimes d’Israël.

    Traduction de l’anglais : Anne-Marie Goossens

Ali Abunimah est cofondateur de The Electronic Intifada et l’auteur de One Country : A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse (Metropolitan Books, 2006)

Du même auteur :

- Les massacres dans Gaza doivent nous faire agir - 30 décembre 2009
- « Les frontières d’Auschwitz » d’Israël revisitées - 11 décembre 2008
- Obama et les perspectives pour la paix israélo-palestinienne (1è et 2è parties) - 2 et 6 décembre 2008
- Le rôle d’Israël dans la guerre entre la Géorgie et la Russie - 13 août 2008


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