A.G. Intervention N°13

( 4 mars 2000 )

Salut Do !

           1° Sur Lafargue Je t'envoie, en annexe, quelques citations de Lafargue sur les juifs et sur les races. Les citations sur les juifs sont effectivement peu nombreuses et relatives à leur rôle allégué dans la banque, thème que Marx utilise de temps à autre également (et qui a fréquemment été taxé d'antisémitisme, bien que sa propre judaïté lui ait valu des propos ignobles de la part de l'antisémite Proudhon). Mais les passages sur les races éclaircissent leur sens : pour Lafargue, il y a bien un accord entre les caractères physiques et moraux d'une "race". En cela, il rejoint la majorité des penseurs "matérialistes" de son époque, et notamment le lafarguien Vacher de Lapouge, considéré aujourd'hui comme l'un des fondateurs du racisme scientifique (Alain de Benoist). Il n'y a pas vraiment lieu de s'en étonner, parce qu'une bonne partie des guesdistes étaient alors antisémites. Si ce n'est pas déjà fait, tu peux lire le bouquin de Zeev Sternhell "La droite révolutionnaire 1885-1914", qui aborde les problèmes de l'antisémitisme deIl ne s'agit pas de dénier tout intérêt à Lafargue, ni de le taxer d'être un raciste en mettant dans ce mot le même contenu qu'à l'heure actuelle (il serait d'ailleurs plutôt ethnodifferencialiste...), mais de se poser la question de savoir si on peut encore, à l'heure actuelle, recommander la lecture d'un texte qui se fonde sur des bases non seulement erronées (qui correspondent à l'état général de l'anthropologie à la fin du XIXe s.) et qui ont pris un sens extrêmement différentes aujourd'hui. Je crois devoir répondre qu'il vaut mieux n'aborder Lafargue que sous l'angle historique et avec un œil extrêmement critique. L'analyse critique du mouvement révolutionnaire passé est un travail nécessaire, et il fait partie du combat culturel à mener. Mais cela inclut nécessairement d'accepter de faire le tri dans notre mythologie, même si nos illusions en prennent un coup.

           Je suis bien d'accord avec toi sur le caractère "fixe" de la Culture, ou, pourrait-on dire, le fait que le conservatisme est un moteur de l'histoire. C'est un point important sur lequel nous pourrions discuter plus en détail dans un prochain message. Hélas, je pense que cette tendance au conservatisme existe très largement dans le milieu révolutionnaire, et qu'elle est même à la base du mythologisme. Au lieu de partir, en matérialistes conséquents, de l'analyse de la situation réelle actuelle sur la base des connaissances scientifiques actuelles, on se réfère à des analyses anciennes fondées sur des idées erronées, en se référant à une figure révolutionnaire dont l'évocation finit se substituer aux idées. Notre travail "théorique", c'est précisément de repartir sur de nouvelles bases.

            2° Sur la question juive C'est à mon sens l'une des questions les plus difficiles à résoudre, parce qu'on se trouve prisonnier de la polysémie volontaire du mot juif (c'est le Concept). Cependant, la définition religieuse, rabbinique est une définition racialiste dans la mesure où elle se fonde sur une filiation génétique sûre, et non seulement sur une adhésion volontaire. Mais il faut rester nuancé, parce que le judaïsme libéral, assez fort au USA, a une définition plus proche de celle des chrétiens, et que dans le judaïsme orthodoxe, l'adhésion à la Loi et au Livre sont des bases essentielles. Mais surtout, il faut bien garder en mémoire que : Est juive toute personne susceptible d'être dénoncée comme telle par les antisémites, d'être victime de l'antisémitisme. C'est une définition paradoxale, mais essentielle pour ne pas oublier que le judaïsme ne peut être réduit à une question religieuse ou "raciale". La lutte contre l'antisémitisme, y compris dans sa version subtile de l'antisionisme proarabe (ce qui est très différent de l'an

          3° Question de génération ?
          Sur l'âge, tu ne crois pas si bien dire. Quand tu lisais Lafargue en 1973, mes parents devaient m'emmener aux manifs en poussette... mais contrairement à toi, j'ai milité dans des organisations trotskistes. Mon analyse "mondialiste-révolutionnaire" provient donc largement d'une critique des mythes du trotskisme (étatisme, électoralisme, nationalisme de gauche,...). C'est pour cette raison, je pense, que j'essaie d'être vigilant sur toutes ces dérives.

 

           A propos, en y réfléchissant, je comprends mieux pourquoi le CEPS t'as mis en lien. VLR était le nom d'un groupe Mao au début des années 70, et je suppose que le lien vers l'UCK a du faire fantasmer les vieux pro-albanais. Comme ils ne sont plus très nombreux à gauche, et que l'extrême-droite a préféré le soutien à la Serbie, il ne leur restait plus beaucoup de marge de manœuvre...

          Au fait, tu n'a pas répondu à ma question sur le conseillisme ?

           Bon, désespéré par mon imprimante contre-révolutionnaire, j'ai imprimé la ThC ailleurs. On t'envoie une critique plus détaillée prochainement.

          Amitiés hypergauches,

                    Nico

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Annexe : textes de Lafargue

 

Au lieu d'assiéger les magasins de M. Bonnet, de Jujurieux, l'inventeur des couvents industriels, et de clamer: "Monsieur Bonnet, voici vos ouvrières ovalistes, moulineuses, fileuses, tisseuses, elles grelottent sous leurs cotonnades rapetassées à chagriner l'œil d'un juif et, cependant, ce sont elles qui ont filé et tissé les robes de soie des cocottes de toute la chrétienté. Les pauvresses, travaillant treize heures par jour, n'avaient pas le temps de songer à la toilette, maintenant, elles chôment et peuvent faire du frou-frou avec les soieries qu'elles ont ouvrées.

Tant que le fabricant a du crédit, il lâche la bride à la rage du travail, il emprunte et emprunte encore pour fournir la matière première aux ouvriers. Il fait produire, sans réfléchir que le marché s'engorge et que, si ses marchandises n'arrivent pas à la vente, ses billets viendront à l'échéance. Acculé, il va implorer le juif, il se jette à ses pieds, lui offre son sang, son honneur. "Un petit peu d'or ferait mieux mon affaire, répond le Rothschild, vous avez 20 000 paires de bas en magasin, ils valent vingt sous, je les prends à quatre sous." Les bas obtenus, le juif les vend six et huit sous, et empoche les frétillantes pièces de cent sous qui ne doivent rien à personne: mais le fabricant a reculé pour mieux sauter.

Les socialistes révolutionnaires ont à recommencer le combat qu'ont combattu les philosophes et les pamphlétaires de la bourgeoisie; ils ont à monter à l'assaut de la morale et des théories sociales du capitalisme; ils ont à démolir, dans les têtes de la classe appelée à l'action, les préjugés semés par la classe régnante; ils ont à proclamer, à la face des cafards de toutes les morales, que la terre cessera d'être la vallée de larmes du travailleur; que, dans la société communiste de l'avenir que nous fonderons "pacifiquement si possible, sinon violemment", les passions des hommes auront la bride sur le cou: car "toutes sont bonnes de leur nature, nous n'avons rien à éviter que leur mauvais usage et leurs excès [1]", et ils ne seront évités que par leur mutuel contrebalancement, que par le développement harmonique de l'organisme humain, car, dit le Dr Beddoe, "ce n'est que lorsqu'une race atteint son maximum de développement physique qu'elle atteint son plus haut point d'énergie et de vigueur morale". Telle était aussi l'opinion du grand naturaliste, Charles Darwin [2].

Par contre, quelles sont les races pour qui le travail est une nécessité organique ? Les Auvergnats; les Écossais, ces Auvergnats des îles Britanniques; les Gallegos, ces Auvergnats de l'Espagne; les Poméraniens, ces Auvergnats de l'Allemagne; les Chinois, ces Auvergnats de l'Asie.

Quand il n'y aura plus de laquais et de généraux à galonner, plus de prostituées libres et mariées à couvrir de dentelles, plus de canons à forer, plus de palais à bâtir, il faudra, par des lois sévères, imposer aux ouvrières et ouvriers en passementeries, en dentelles, en fer, en bâtiments, du canotage hygiénique et des exercices chorégraphiques pour le rétablissement de leur santé et le perfectionnement de la race.

Parlant des aborigènes des îles océaniennes, lord George Campbell écrit: "il n'y a pas de peuple au monde qui frappe davantage au premier abord. Leur peau unie et d'une teinte légèrement cuivrée, leurs cheveux dorés et bouclés, leur belle et joyeuse figure, en un mot toute leur personne, formaient un nouvel et splendide échantillon du "genus homo"; leur apparence physique donnait l'impression d'une race supérieure à la nôtre."

 

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